Imaginez : votre entreprise a investi dans un ambitieux programme de formation pour accompagner sa transformation digitale. Vous avez conçu des parcours innovants, mêlant e-learning et classes virtuelles, avec vos formateurs internes. Vous avez même fait l’acquisition d’une plateforme LMS dernier cri. Mais quelques mois après le lancement, le constat est amer : faible taux de complétion des modules, mauvais feedbacks des opérationnels, ROI en berne. Que s’est-il passé ?
La réponse tient souvent en un mot : les formateurs. Ou plus précisément, leur manque de préparation pour dispenser ces nouveaux formats. Car être un expert technique ne suffit plus pour transmettre efficacement des compétences. Le formateur doit lui-même se former en continu pour accompagner les mutations de son métier. Retour d’expérience avec les éléments issus de notre formation de formateurs.
1. S’adapter aux nouveaux modes d’apprentissage
Le distanciel est devenu incontournable dans la formation professionnelle. Pour les formateurs, ce changement de paradigme est un défi. Transposer ses supports et méthodes ne suffit pas. Il faut apprendre à exploiter le potentiel des outils digitaux : ludification, granularisation des contenus, scénarisation immersive, social learning. Cela suppose de se former soi-même à l’ingénierie pédagogique multimodale, pour concevoir des parcours réellement “digital native”.
Concrètement, un formateur habitué aux formations présentielles sur les techniques de vente devra revoir son approche pour l’adapter au distanciel. Au lieu d’un stage de 2 jours en salle, il faudra imaginer un parcours échelonné avec de l’e-learning, une classe virtuelle et quelques mises en situation / jeux de rôle. Cela implique de retravailler les objectifs et le séquençage pédagogique, de se familiariser avec de nouveaux outils, de repenser les interactions.
2. Développer sa posture de consultant et de coach
L’économie de la formation est en pleine disruption, l’offre foisonne. Le formateur ne peut plus se contenter d’être un expert qui déroule son contenu. Les apprenants attendent qu’il les conseille dans leur parcours, les motive, s’adapte à leur profil. De transmetteur de connaissances, le métier de formateur évolue davantage vers celui de partenaire d’apprentissage, de coach.
Cette posture de consultant / coach suppose de développer de nouvelles compétences : techniques d’écoute active, communication assertive, méthodologie d’accompagnement individuel et collectif. Plusieurs autres “soft skills” demandent à être travaillées, mais ces trois sont les plus importantes.
Prenons l’exemple d’un formateur appelé pour animer une formation de management. Au-delà des modèles théoriques, il devra être capable de comprendre la situation spécifique de chaque manager apprenant. En clair, identifier avec lui ses problématiques et co-construire une solution à telle ou telle situation de travail. Être un bon formateur implique d’instaurer une relation de confiance, de pratiquer le feedback bienveillant, de gérer les situations délicates.
3. Intégrer les logiques de performance et d’impact business
Peu d’entreprises échappent actuellement à la problématique de rationalisation des budgets. Chaque formation doit donc démontrer son impact sur la performance. Pour le formateur, cela change la donne. Il doit intégrer dès la conception les enjeux de mise en application opérationnelle, en lien direct avec les priorités business. Cela implique de raisonner en termes d’indicateurs, de dispositif d’évaluation, de suivi après la formation. Mais aussi de créer un groupe de travail avec les managers.
Illustration avec un parcours sur la sécurité. Au-delà de former aux bons gestes, il faudra s’assurer de leur mise en pratique effective sur le terrain. Cela supposera de définir en amont avec les responsables sécurité des indicateurs mesurables (taux de port des EPI, nombre de presqu’accidents), un dispositif d’observation managériale, un plan d’action ciblé. Des éléments qui devront être intégrés dans le parcours et son déploiement.
4. Anticiper l’obsolescence rapide des contenus
Avec l’accélération technologique, le formateur doit aussi se mettre à jour en continu sur les tendances émergentes. Paradoxalement, il doit apprendre à impliquer les apprenants dans la production de contenu. De plus en plus, le savoir n’émane plus seulement des experts, mais aussi des collaborateurs qui partagent leurs pratiques. Cela explique l’essor des logiques d’apprentissage collaboratif et de communautés de pratiques. Le rôle du formateur consiste donc davantage dans l’animation que l’action de formation technique à proprement parler.
Exemple : sur un parcours de formation au Lean Management destiné à des ingénieurs de production, le formateur ne pourra plus se contenter de présenter les concepts et outils. Il devra aussi prévoir des séquences de co-développement où les participants partageront leurs retours d’expérience, imagineront ensemble de nouvelles applications. Cela implique de se positionner en facilitateur des échanges et de la production collective.
5. Créer des expériences d’apprentissage personnalisées et engageantes
Enfin, la guerre des talents et le “quiet quitting” sont deux problématiques brûlantes ces dernières années. La formation doit être un levier de (re)motivation et d’engagement durable. Elle ne doit plus être une contrainte subie, elle doit devenir un moment privilégié de développement et d’épanouissement où chacun a la main sur son parcours.
C’est la raison pour laquelle les formateurs doivent créer les conditions d’un apprentissage personnalisé et engageant. Cela passe par le recueil des besoins et aspirations en amont, la modularisation des contenus pour permettre un maximum de choix. Cela passe aussi par l’exploitation de la data pour ajuster les parcours en temps réel, la reconnaissance des acquis et des réalisations.
Concrètement, un formateur intervenant sur des populations terrain devra être capable de proposer un parcours à la carte : des briques normatives imposées et des briques adaptées aux besoins de chacun. Il devra guider individuellement les collaborateurs tout au long de la formation (choix en fonction de leur potentiel, de leurs perspectives). Il devra aussi animer la communauté pour stimuler les interactions, la participation. Le tout en suivant au plus près la progression pédagogique et la satisfaction de chacun.
La formation des formateurs est peut-être la clé pour faire progresser la performance de votre entreprise. C’est une exigence qui demande de l’humilité et de l’investissement. Mais elle permettra de démultiplier durablement la performance de vos talents formateurs et de vos dispositifs de formation.